Le lundi 22 juin dernier, le leader du prêt-à-porter annonçait : « n’ayant pu trouver un accord avec ses partenaires bancaires, Celio a décidé de placer la société Celio France ainsi que sa maison mère Celio International sous la protection du Tribunal de Commerce avec l’ouverture de procédures de sauvegarde. » Ce message peut être vu de deux manières. La première exprime de l’inquiétude, du doute sur le sérieux de l’entreprise et laisser imaginer que l’activité va bientôt cesser. La seconde exprime au contraire de l’espérance, car cette décision va permettre de préserver sa trésorerie pendant les prochaines semaines et donner du temps à la reprise de l’activité commerciale. Bien sûr, ce choix relève de l’exceptionnel : pendant deux mois, les quelque 1 585 magasins, dont 488 en France ont été fermés et les recettes nulles. Une très grande majorité d’entreprises ont aussi connu ce moment, parfois sur une période courte, pour d’autres sur une durée encore plus longue que deux mois. Tout dépend du secteur d’activité.
Deux écueils à dépasser pour réussir une restructuration
Le plan de sauvegarde utilisé dans cet exemple tiré de l’actualité entre dans les démarches appelées restructuring. Ce terme englobe toutes les décisions qu’une entreprise peut prendre dès qu’elle rencontre des difficultés et que ses performances baissent. Le restructuring a pour objectif de permettre rapidement à une société d’atteindre un équilibre entre ses produits d’exploitation et ses charges d’exploitation afin d’assurer sa pérennité. À ce titre, le premier écueil vient quand « l’entreprise n’a pas les outils de gestion efficaces ou des tableaux de bord pertinents ». Sans ces éléments, difficile de venir en aide », relève Bruno Loddo, avocat au cabinet Denkers (Le Mans). Mylène Boché-Robinet, avocat au Barreau de Paris, ajoute un autre écueil : « des biais psychologiques peuvent jouer un rôle significatif en période de crise chez le dirigeant, qui peut être dans le déni ou s’isoler. Au contraire, la période appelle à savoir s’entourer, à discuter et à solliciter un accompagnement ».
Pour éviter une procédure de redressement judiciaire, le dirigeant a tout intérêt à dialoguer. Il doit faire attention aux premiers signaux faibles. Ils sont de divers ordres et demandent un accompagnement juridique : retard de paiement, différé d’approvisionnement, démission en chaîne du management, mécontentement des collaborateurs… Le danger d’une spirale infernale naît du cumul de ces signaux. En faisant appel à un avocat d’affaires ou un conseil en fusion-acquisition, l’entreprise va travailler à éviter la cessation de paiement, grâce à une réaction proportionnée au bon moment en fonction des procédures d’alertes lancées par le commissaire aux comptes, les créanciers, les fournisseurs, les salariés…
Les différents types de restructurations
Plusieurs types restructurations existent : financières, sociales et structurelles. Toutes demandent un temps de négociation et des arguments convaincants. Comme dans le cas de Celio, les créanciers font partie des premiers interlocuteurs : report de mensualités, rééchelonnement de la dette bancaire, financement complémentaire comme le prêt avec la garantie d’État (PGE). Il peut aussi être décidé de mobiliser les actionnaires avec un apport pour augmenter les fonds propres. Dans un autre registre, le dirigeant peut décider de réduire les emplois, d’abord au niveau des missions courtes, puis les missions longues, selon l’étendue des difficultés. Le plus important est de ne pas perdre les compétences essentielles pour permettre le rebond de l’activité.
Le chef d’entreprise peut étudier l’utilité à vendre des activités non stratégiques et peu rentables. Dans tous les cas, «l’analyse de la situation, la définition de la réponse à apporter et sa mise en œuvre peuvent se dérouler dans le cadre d’une procédure confidentielle de prévention comme le mandat ad hoc et la conciliation. Le dirigeant bénéficie alors de l‘assistance d’un tiers, le mandataire ad hoc ou le conciliateur, pour trouver une solution amiable à ses difficultés et éviter l’ouverture d’une procédure collective », conseille Mylène Boché-Robinet.
La procédure de sauvegarde peut être également appropriée. Il n’y a plus de confidentialité mais le pouvoir de contraintes sur les créanciers est plus important qu’en prévention. Dans le restructuring, le prêt-à-porter n’existe pas. Tout est une question de sur-mesure : à chaque entreprise, sa solution.
La perte de liberté avec le redressement judiciaire
Lorsque le dirigeant se trouve en état de cessation des paiements, il ne peut plus utiliser des outils de restructuration préventive. Dès lors, il n’aura pas d’autre choix que de solliciter l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire. Celle-ci peut aboutir à un plan de continuation, avec un rééchelonnement de la dette, mais aussi à une cession de l’entreprise en activité à un tiers repreneur. En pareille situation, le chef d’entreprise perd la maîtrise des événements. L’entreprise devient co-dirigée par un administrateur judiciaire. Toutes les décisions importantes sont prises sous l’autorité du tribunal, dans l’intérêt de l’entreprise et non dans celui du dirigeant..
Bien sûr, la cession pure et simple avant même l’intervention du liquidateur judiciaire reste possible. Bruno Loddo met en garde sur le profil du repreneur : « On ne gère pas de la même façon une entreprise en bonne santé et une entreprise en difficulté. Des repreneurs peuvent être très bons avec une société qui se porte bien, car ils sont dans le développement. En revanche, ils sont non opérationnels pour mettre en œuvre un retournement d’entreprise. » En clair, la vente ne doit pas se faire au premier venu.